La dissuasion nucléaire française
Doctrine et principes

1 – Présentation générale

Depuis 1964, la dissuasion nucléaire demeure un fondement essentiel de la défense de la France. Elle constitue un choix politique souverain, assumé par tous les présidents et tous les gouvernements de la Ve République, et par le Parlement au travers du vote des lois de programmation militaire et du vote annuel des crédits de défense.

Bien plus qu’une option stratégique offerte au Président de la République, consistant à pouvoir infliger, en permanence et en toutes circonstances, des dommages inacceptables à tout État ou organisation qui menacerait les intérêts vitaux de la France, elle est un élément central et structurant d’une stratégie politique globale en matière de sécurité et de défense.

Elle est l’expression d’une volonté politique et s’appuie sur des notions fondamentales : indépendance, permanence, crédibilité, stricte suffisance, excellence.

La dissuasion affirme un niveau d’ambition et revêt  plusieurs dimensions :

  • dimension diplomatique avec les responsabilités internationales que confère à la France le statut de puissance nucléaire dotée (TNP) et qui n’est pas sans lien avec le maintien de la France au rang de membre permanent du conseil de sécurité des Nations unies ;
  • dimension militaire avec des forces conventionnelles robustes et crédibles qui participent à l’exercice de ses responsabilités internationales et qui permettent aussi d’éviter tout contournement en élevant le seuil d’engagement nucléaire ;
  • dimension économique à travers un effort budgétaire continu, régulier, de la Nation, cohérent avec les adaptations nécessaires des moyens de la dissuasion ;
  • dimensions technologiques et industrielles avec le développement de technologies souveraines dans un spectre très large d’activités ;
  • enfin, dimension humaine car la dissuasion s’appuie sur des compétences et des valeurs d’excellence et de rigueur. Depuis l’origine, des hommes et des femmes dans les laboratoires de recherche, dans l’industrie, au sein de l’organisation étatique et, en particulier, celle de la défense, dans les unités de combat, mettent leurs compétences au service de cette mission éminemment exigeante.

Cette « œuvre commune » est l’incarnation d’un choix : celui de la préservation de notre autonomie stratégique et de notre liberté d’action et  de décision. Elle est la garantie ultime de la sécurité et de l’indépendance nationale.

Exercer la dissuasion, suppose d’abord et avant tout une volonté portée, en France, par le chef de l’Etat, représentant de la Nation, élu au suffrage universel, confortée par le soutien parlementaire et l’assentiment de l’opinion publique.

Il faut, ensuite disposer d’une capacité souveraine d’appréciation de la situation stratégique de l’adversaire, d’une doctrine et de son mode d’expression, et enfin d’instruments efficaces et crédibles de représailles. Cela suppose ensuite un outil militaire performant capable de délivrer des frappes à tout moment et en tout lieu contre un adversaire étatique s’attaquant aux intérêts vitaux de la Nation, une industrie capable de forger, dans la durée, les armes, les vecteurs et les porteurs les plus performants pour répondre aux objectifs fixés par le Président de la République.

Cela suppose enfin des chaînes de contrôle gouvernemental et de sécurité nucléaire qui maîtrisent les risques, garantissent l’exécution des ordres et assurent, de ce fait, la crédibilité de la dissuasion.

La dissuasion repose donc sur un « système de systèmes » assez complexe dont tous les éléments contribuent à la crédibilité.

La dissuasion française est uniquement défensive et soumise à un principe de stricte suffisance qui limite au strict nécessaire les moyens dédiés aux forces nucléaires. Elle a subi, comme les autres secteurs de la défense, une rigueur budgétaire et financière tendant à mutualiser au maximum les moyens entre les différentes fonctions.

2 – Un cadre juridique fondé sur le traité de non-prolifération (TNP)

Si la dissuasion nucléaire contribue à stabiliser le système international et a pu éviter une conflagration mondiale entre grandes puissances, la multiplication d’Etats détenteurs de l’arme nucléaire pourrait compliquer sérieusement les relations entre puissances détentrices et la compréhension des postures de chacun. En outre, il n’est pas certain que tous les détenteurs potentiels disposent de la rigueur nécessaire dans les domaines de la sécurité et de la sûreté nucléaire, ce qui par construction augmenterait les risques de prolifération et d’accident. C’est pourquoi, tant les puissances détentrices que la communauté internationale se sont efforcé de mettre en oeuvre des instruments juridiques tendant à limiter la prolifération des armes nucléaires. 

En contrepartie, les puissances détentrices s’engagent dans des processus de limitation ou de sécurisation de leurs capacités. Le principal instrument multilatéral qui constitue le socle du droit international en ce domaine est le traité de non-prolifération (TNP), il a été complété par d’autres traités visant des aspects plus techniques comme l’interdiction des essais nucléaires (TICE) ou de la production de matières fissiles (TIMPF ou Traité « Cut-off») destinées à la fabrication d’armes nucléaires, ou visant à interdire les armes nucléaires dans certains espaces régionaux ou communs (exemple Traité sur l’Arctique 1959 ou de Rarotonga 1985).

(1) Le TNP

Le Traité sur la Non-prolifération (TNP) des armes nucléaires a été signé le 1er juillet 1968 et est entré en vigueur en 1970. Des conférences d’examen ont lieu tous les cinq ans pour adapter et évaluer son fonctionnement. Lors de la Conférence de 1995 chargée d’examiner le Traité et la question de sa prorogation, le Traité fut prorogé pour une durée indéfinie.

Le TNP est fondé sur trois grands piliers :

  • la non-prolifération,
  • le désarmement
  • les usages pacifiques de l’énergie nucléaire.

Le traité consacre le monopole de 5 États sur les armes nucléaires (les « États dotés », États-Unis, Russie, Royaume-Uni, France, Chine) et un engagement général des autres États à ne pas développer d’armes nucléaires. 190 États sont partis au TNP. L’Inde, le Pakistan et Israël ont refusé de le ratifier et la Corée du Nord s’en est retirée en 2003.

Les États dotés s’engagent quant à eux à poursuivre des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire et sur un traité de désarmement général et complet sous contrôle international.

Dès leur adhésion au TNP, les Etats non dotés d’armes nucléaires ont jugé légitime d’obtenir, en contrepartie de leur renonciation à l’arme nucléaire, des mesures visant à garantir leur sécurité contre le recours ou la menace de recours à ces armes. Le Conseil de sécurité des Nations unies a reconnu la légitimité de cette préoccupation dans la résolution 255 du 19 juin 1968, mais c’est véritablement la résolution 984 du 11 avril 1995 qui formalise les assurances de sécurité données par les cinq Etats dotés aux Etats non dotés parties au TNP.

L’approche du TNP est celle d’une construction progressive d’une architecture mondiale de non-prolifération. Sa quasi-universalité et sa perpétuité en font un instrument puissant mais il est aujourd’hui remis en question par les partisans d’une voie plus rapide vers un désarmement total (cf. paragraphe TIAN).

(2) Le TICE

Le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) a été conclu en 1996, année de la dernière campagne d’essais français. Les États parties au TICE s’engagent à ne pas effectuer d’explosion expérimentale d’arme nucléaire ou d’autre explosion nucléaire, et à ne pas participer de quelque manière que ce soit à l’exécution de toute explosion expérimentale d’arme nucléaire. Une organisation internationale, l’OTICE, a été créée pour vérifier son application (réseau de surveillance sismique et hydroacoustique). Le TICE n’est jamais formellement entré en vigueur car huit pays à ratification obligatoire ne l’ont pas ratifié : États-Unis, Chine, Inde, Pakistan, Israël, Corée du Nord, Iran et Égypte.

(3) Les Traités régionaux

Plusieurs traités consacrent des régions entières exemptes d’armes nucléaires. Dans ces zones, la France s’est engagée à ne pas déployer de dispositifs nucléaires, à ne pas procéder à des essais et à ne pas utiliser ou menacer d’utiliser l’arme nucléaire contre les États présents (garanties négatives de sécurité).

  • Traité sur l’Antarctique (1959) : y interdit le test ou le dépôt d’armes nucléaires ;
  • Traité de Tlatelolco (1967) : instaure une zone en Amérique du Sud exempte d’armes nucléaires ;
  • Traité de Rarotonga (1985) : instaure une zone au Pacifique Sud exempte d’armes nucléaires ;
  • Traité de Bangkok (1995) : instaure une zone en Asie du Sud-Est exempte d’armes nucléaires ;
  • Traité de Pelindaba (1996) : instaure une zone en Afrique exempte d’armes nucléaires ;
  • Traité de Semipaltinsk (2006) : instaure une zone en Asie centrale exempte d’armes nucléaires.

Enfin, des traités thématiques régissent des espaces particuliers, comme le Traité partiel d’interdiction des essais (1963) qui interdit les essais atmosphériques et sous-marins ou le Traité sur l’utilisation de l’espace atmosphérique (1967) qui interdit le déploiement d’armes nucléaires dans l’espace.

(4) Le TIMPF

Le Projet de traité d’interdiction de la production de matières fissiles pour les armes (TIMPF) ou Traité « Cut-off » vise à empêcher la production de matière fissile et donc l’agrandissement des stocks des puissances nucléaires

(5) La France est devenue un acteur important dans la mise en oeuvre de cette approche et le TNP est depuis lors la pierre-angulaire de la politique française de non-prolifération. La France s’est engagée de façon exemplaire dans un processus de désarmement. Elle poursuit officiellement l’objectif d’élimination totale des armes nucléaires. Elle est le seul pays au monde à avoir démantelé de façon irréversible l’ensemble de ses sites d’essais et à les avoir remplacés par des installations de simulation, elle a renoncé à ses composantes sol–sol stratégiques et tactiques, réduit ses capacités océaniques et aéroportées, comme le nombre de têtes nucléaires (300 au titre de la stricte suffisance, voir para infra).

3 – La doctrine de la dissuasion

La doctrine française de la dissuasion nucléaire est décrite dans les Livres blancs successifs sur la défense et la sécurité nationale, documents de référence qui préparent les lois de programmation militaire.

Elle est explicitée et précisée par les discours que les Présidents de la République successifs ont prononcés. Cette expression régulière du chef de l’Etat, chef des Armées, est porteuse d’un message à destination de la Nation, mais aussi de l’extérieur  Elle est une manifestation de la continuité de cette politique et de sa transparence.

Pour la période actuelle, les discours prononcés à Cherbourg, le 21 mars 2008 par Nicolas Sarkozy, à Istres le 19 février 2015 par François Hollande et à Paris le 7 février 2020 par Emmanuel Macron, font référence.

3.1 – La garantie de la souveraineté nationale

La dissuasion nucléaire vise à « protéger notre pays de toute agression d’origine étatique contre ses intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne, et quelle qu’en soit la forme » (F. Hollande) en se dotant de la capacité d’infliger à l’adversaire des dommages absolument inacceptables.

« la dissuasion est la garantie ultime de la sécurité, de la protection et de l’indépendance de la Nation. Elle garantit en permanence notre autonomie de décision et notre liberté d’action dans le cadre de nos responsabilités internationales […]. La dissuasion nucléaire s’inscrit donc dans le cadre plus global de la stratégie de défense et de sécurité nationale qui prend en compte l’ensemble des menaces, y compris celles qui se situent sous le seuil des intérêts vitaux. » (LBDSN 2013).

« La stratégie nucléaire de la France, dont je rappelais tout à l’heure les bases doctrinales, vise fondamentalement à empêcher la guerre. » (Emmanuel Macron).

« Elle est strictement défensive. L’emploi de l’arme nucléaire ne serait à l’évidence concevable que dans des circonstances extrêmes de légitime défense, droit consacré par la Charte des Nations unies». (N. Sarkozy)

3.2 – Une doctrine évolutive

Une doctrine adaptée au contexte géostratégique 

L’emploi est fixé, non par la nature de l’agression, mais par l’appréciation par le Président de la République de l’atteinte à nos intérêts vitaux.

Cette notion d’intérêts vitaux ne fait pas l’objet d’une définition précise, pas plus que la notion d’atteintes qui pourraient y être portées, pas plus que la notion de dommages susceptibles d’être infligés. C’est la responsabilité suprême du Président de la République d’apprécier en permanence la nature de nos intérêts vitaux comme les atteintes qui pourraient y être portées. (LBDSN 2013)

Les intérêts vitaux ne sont pas strictement limités au territoire national. 

  • A cet égard, des liens particuliers sont affirmés avec le Royaume-Uni, autre puissance nucléaire alliée en Europe : « Avec le Royaume-Uni, nous avons pris une décision majeure, nous avons constaté qu’il n’y avait pas de situation dans laquelle les intérêts vitaux de l’un seraient menacés sans que les intérêts de l’autre le soient aussi (NS).» Les engagements communs avec le Royaume-Uni (déclaration bilatérale de 1995, déclaration de Saint-Malo, puis traités Lancaster House de 2010) reflètent un degré de confiance unique, mais ne remettent pas en cause l’indépendance des forces françaises de dissuasion.
  • La dissuasion française prend en considération la construction européenne : «Nous participons au projet européen, nous avons construit avec nos partenaires une communauté de destin, l’existence d’une dissuasion nucléaire française apporte une contribution forte et essentielle à l’Europe. La France a en plus, avec ses partenaires européens, une solidarité de fait et de coeur. Qui pourrait donc croire qu’une agression, qui mettrait en cause la survie de l’Europe, n’aurait aucune conséquence?»

Mais c’est le Président Macron qui a le plus précisément affirmé la dimension européenne de la dissuasion nucléaire française en invitant à un dialogue stratégique en Europe : « … nos forces nucléaires jouent un rôle dissuasif propre, notamment en Europe. Elles renforcent la sécurité de l’Europe par leur existence même et à cet égard ont une dimension authentiquement européenne.

Sur ce point, notre indépendance de décision est pleinement compatible avec une solidarité inébranlable à l’égard de nos partenaires européens. Notre engagement pour leur sécurité et leur défense est l’expression naturelle de notre solidarité toujours plus étroite. Soyons clairs : les intérêts vitaux de la France ont désormais une dimension européenne.

Dans cet esprit, je souhaite que se développe un dialogue stratégique avec nos partenaires européens qui y sont prêts sur le rôle de la dissuasion nucléaire française dans notre sécurité collective.

Les partenaires européens qui souhaitent s’engager sur cette voie pourront être associés aux exercices des forces françaises de dissuasion. Ce dialogue stratégique et ces échanges participeront naturellement au développement d’une véritable culture stratégique entre Européens. » (EM 7 février 2020).

L’avertissement nucléaire

Dans le cadre de l’exercice de la dissuasion, la France dispose de la capacité de procéder à cet « avertissement nucléaire », … Ainsi dispose-t-il également d’un spectre élargi de modes d’action, évitant le « tout » (frappes massives) ou « rien » et permettant par la modulation possible des charges, des effets stratégiques ciblés (centres de pouvoirs, capacités industrielles ou économiques…) et des capacités d’avertissement nucléaire.

Le non emploi en premier : les « garanties de sécurité négatives »

En 1995, la France a, par une déclaration unilatérale, donné des garanties de sécurité négatives (c’est-à-dire le non emploi en premier de l’arme nucléaire) en précisant qu’elles s’adressaient aux Etats non dotés au sens du traité de non-prolifération nucléaire (TNP) qui respectent leurs engagements, étant précisé que ces garanties ne remettaient pas en cause le droit à la légitime défense consacré par l’article 51 de la Charte des Nations unies.

La Grande-Bretagne a une rédaction voisine dans sa propre doctrine nucléaire.

Le principe de la « stricte suffisance » ou du plus bas niveau possible

Selon le principe de la stricte suffisance, la garantie des dommages inacceptables est assurée aujourd’hui avec environ 300 armes (panachage (M-51/FOST et ASMPA/FAS et FANu).

Le Livre blanc de 2008 : « La France continuera à maintenir ses forces nucléaires à un niveau de stricte suffisance. Elle les ajustera en permanence au niveau le plus bas possible compatible avec sa sécurité. Elle ne cherchera pas à se doter de tous les moyens que ses capacités technologiques lui permettraient de concevoir. Le niveau de ses forces ne dépendra pas de celui des autres acteurs dotés de l’arme nucléaire, mais seulement de la perception des risques et de l’analyse de l’efficacité de la dissuasion pour la protection de nos intérêts vitaux.

Dans le passé, cette appréciation a permis à la France, en 1996, de démanteler la composante terrestre (composante stratégique dotée de missiles balistiques sol/sol, systèmes sol-sol mobiles préstratégiques Hadès) et de réduire le format de la FOST de 6 à 4 SNLE, puis entre 2008 et 2011 de baisser celui des FAS de trois à deux escadrons.

3.3 – La dissuasion n’exclut pas de poursuivre l’objectif du désarmement

« La France partage donc l’objectif, à terme, de l’élimination totale des armes nucléaires, mais j’ajoute : quand le contexte stratégique le permettra. La France continuera d’agir sans relâche dans cette direction. Elle le fera avec constance, avec transparence, avec vérité, j’allais dire avec sagesse et en bonne intelligence avec les Alliés FH). 

La France a, aujourd’hui, un bilan exemplaire, et unique au monde, en matière de désarmement nucléaire. Elle est le premier Etat, avec le Royaume-Uni, à avoir signé et ratifié le traité d’interdiction complète des essais nucléaires ; le premier Etat à avoir décidé la fermeture et le démantèlement de ses installations de production de matières fissiles à des fins explosives, faisant désormais reposer la dissuasion sur un stock limité de matière nucléaires ; le seul à avoir démantelé, de manière transparente, son site d’essais nucléaires situé dans le Pacifique et à limiter ses expérimentations à la seule simulation d’essais ; à avoir démantelé entièrement ses missiles nucléaires sol-sol ; à avoir réduit volontairement d’un tiers le nombre de ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engins puis de ses forces aériennes stratégiques (en 2008).

La France mène une politique de transparence sur son arsenal nucléaire.

Ces réductions sont importantes eu égard à la modestie de l’arsenal français conçu selon un principe de stricte suffisance, comparé à celui des deux principaux Etats dotés.

PaysOgives déployéesAutres têtesTotal des stocks
Etats-Unis1 7441 9643 708
Russie1 5882 8894 477
France28010290

Source SIPRI Yearbook

La participation de la France au cadre multilatéral de prévention de la prolifération nucléaire

L’action de la France en matière de non-prolifération se déploie autour de 3 axes :

  • la gestion de crise ;
  • le renforcement du régime international de lutte contre la prolifération ;
  • des efforts concrets accrus de prévention et d’entrave de la prolifération.

La France est très attachée au cadre multilatéral de prévention de la prolifération nucléaire, dont elle est un acteur majeur, et a apporté un soutien constant aux initiatives allant dans ce sens. L’adoption en 1997 d’un Protocole additionnel aux accords de garanties généralisées du TNP s’inscrit dans cette logique de renforcement des outils de vérification et moyens d’inspection de l’AIEA.

  • La France a contribué à la mise en oeuvre et aux évolutions du Partenariat mondial du G8 contre la prolifération des armes de destruction massive, aux interceptions de cargaisons proliférantes dans le cadre de l’initiative de sécurité contre la prolifération (PSI) et à l’application de divers plans d’action multilatéraux pour prévenir le risque terroriste.
  • La France participe au Système de surveillance international mis en place par le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), en étant responsable de 24 stations de surveillance.
  • Outre le Traité de l’Antarctique de 1959, la France est partie aux protocoles annexés au Traité de Tlatelolco (ratifiés en 1974 et 1992), au Traité de Rarotonga (ratifié en 1996) et au Traité de Pelindaba (ratifié en 1996). Elle soutient l’objectif d’une zone exempte d’armes de destruction massive et de leurs vecteurs au Moyen-Orient. Grâce à ces différents cadres juridiques, la France a donné des assurances négatives de sécurité à près de 92 États.
  • La France apporte son soutien aux différents groupes informels de  pays fournisseurs : groupe des fournisseurs nucléaires (NSG), groupe Australie, comité Zangger, Régime de contrôle de la technologie des missiles (MTCR)…
  • La France est le cinquième contributeur au budget de l’AIEA. 336 inspections relatives au contrôle international des matières nucléaires ont été effectuées en 2013 sur les installations françaises dans le cadre du traité Euratom et de l’AIEA.

3.4 – Une opposition affirmée au Traité d’interdiction total des Armes nucléaires (TIAN),

Adopté en juillet 2017 par 122 pays à l’assemblée générale des Nations unies, le Traité d’interdiction des armes nucléaires a été signé par 84 pays, ratifié par 50 et sera mis en œuvre le 22 janvier 2021. Il interdit l’usage, la détention, le développement, la production, les essais et la menace d’utiliser des armes nucléaires. Il fournira un cadre juridique à la campagne international d’abolition des armes nucléaires (ICAN) pour stigmatiser les Etats, entreprises, organismes financiers associés aux activités nucléaires prohibées.

La position de la France a été explicitée par le Président Macron lors de son discours du 7 février 2020 :

« L’objectif ultime d’élimination complète des armes nucléaires dans le cadre du désarmement général et complet figure dans le préambule du TNP. Mais dans la réalité de notre monde, les avancées vers cet objectif ne peuvent être que progressives, et fondées sur une perception réaliste du contexte stratégique.

Faute de disposer d’une recette pour faire disparaître rapidement les armes nucléaires de notre monde, les promoteurs de l’abolition s’attaquent au fond à la légitimité de la dissuasion nucléaire et avant tout, disons-le, là où cela est le plus facile, c’est-à-dire dans nos démocraties européennes.

Or j’estime que le choix n’est pas entre d’une part un absolu moral sans lien avec les réalités stratégiques, et d’autre part un retour cynique au seul rapport de forces sans le droit. Pour ma part, je ne tomberai pas dans le piège de cette fausse alternative. Elle est déstabilisante pour l’architecture de sécurité internationale et n’est pas à la hauteur des ambitions que porte la France pour la paix, le multilatéralisme et le droit.

Ma responsabilité est d’assurer la sécurité de notre pays, dans le respect de ses engagements internationaux, en particulier ceux du TNP.

Mais cela ne signifie pas pour autant que la France renonce aux questionnements éthiques s’agissant de l’arme nucléaire. Une démocratie doit se poser la question des finalités de sa politique de dissuasion nucléaire, porteuse de dilemmes moraux et de paradoxes…

Un désarmement nucléaire unilatéral équivaudrait pour un Etat doté comme le nôtre à s’exposer et à exposer ses partenaires à la violence et au chantage, ou à s’en remettre à d’autres pour assurer sa sécurité. […]

Dans le même esprit, la France n’adhérera pas à un traité d’interdiction des armes nucléaires. Ce traité ne créera aucune obligation nouvelle pour la France, ni pour l’Etat, ni pour les acteurs publics ou privés sur son territoire.

Le désarmement n’a en réalité de sens que s’il s’inscrit dans un processus historique de limitation de la violence.

La stratégie de dissuasion y contribue déjà, même de façon paradoxale. »